On frappe à la porte. Derrière les rideaux, deux silhouettes avec une valise. Ma copine « the Artist » est dans la cuisine qui lui sert également d’atelier à l’occasion. Moi, je suis à l’étage. C’est donc elle qui ouvre la porte aux visiteurs.
« Bonjour m’dame, nous faisons présentement une enquête dans le secteur » lance l’un d’eux. The Artist est naïve même si elle le nie énergiquement. Elle se fait prendre à tous les coups par les « vendeux» de ce monde. Cette fois, son excuse est : « je croyais que c’était des recenseurs ». Hum hum! Comme vous l’avez sans doute deviné, elle les invite à entrer.
De l’étage, J’entends des voix. Je ne saisis pas les mots, mais je reconnais d’emblée le ton mielleux des vendeux.
Je descends.
Dans le mille! J’ai à ma table en compagnie de The Artist, un spécimen typique de vendeux. En fait, ils sont deux, ce qui indique que la marchandise cachée dans la valise sort de l’ordinaire. Ils ne seront pas trop de deux pour tenter de nous réanimer lorsque nous réaliserons combien notre vie était ridicule avant leur visite.
Normalement, dans ce genre de situation, ma réaction manque totalement de classe. Je désarçonne les importuns en agissant comme le dernier des fêlés, chose à laquelle les casse-couilles ne sont pas préparés. Lorsque je leur indique la sortie, je n’ai pas à insister pour qu’ils retournent franco là d’où ils viennent.
Mais cette fois, c’est différent. Je ne veux pas embarasser The Artist. Je me domine. J’essaie de prendre un air raisonnablement normal, sans toutefois pousser la politesse jusqu’à m’asseoir pour écouter leur baratin bien baratté et bien gras.
C’est donc debout, les bras croisés, affichant l’air le plus antipathique de mon répertoire que j’invite les deux raseurs à commencer l’épilation. Avec une telle collection d’expressions non verbales négatives, j’espère installer un malaise qui abrégera mes souffrances.
Nos deux casse-pieds lancent le programme. Tout y est : les sourires factices, la gestuelle, les petites blagues cucu et « drôlesques», la panoplie complète. Le tout, appuyé par les oui de la tête dispensés stratégiquement par la jolie complice de notre winner.
Le produit : une assurance. Pas n’importe quelle, la meilleure! La plus mieux de toutes les assurances du monde entier (attention, je commence à avoir la nausée). J’essaie d’oublier les fils qui activent les mâchoires, les bras et les mains des marionnettes. Ce qui m’énerve le plus, c’est la tête de l’autre qui ne cesse de faire son mouvement agaçant.
Je suis tenté de prendre des ciseaux et de leur faire perdre le fil. Mieux, leur servir une flatulence bien sentie accompagné d’un rire de cinglé, juste pour voir l’effet que ça ferait sur les marionnettes et particulièrement sur celle avec la tête défectueuse. Mais je m’abstiens. Je ne suis pas seul, The Artist aurait honte.
La fin du spectacle approche. Il me semble entendre le petit roulement de tambour et le coup de cymbale qui accompagnent les mauvaises blagues. Le winner termine sa prestation avec un sourire figé et me regarde avec insistance.
- Qu’en pensez-vous? Me demande-t-il.
- Rien! Je lui réponds.
Paniqué, le guignol ne sait pas quoi dire. Ma réaction n’est pas prévue dans le bréviaire du parfait vendeux. Il regarde à la dérobé en direction de Miss-tête-qui-dit-oui, cherchant un appui qui ne vient pas.
Il y a un froid.
Maintenant, ils sont deux à faire oui de la tête. Pathétique. Il est temps que ça cesse.
L’affaire se termine de la façon la plus classique : « Laissez-moi votre dépliant, si ça m’intéresse, je vous passe un coup de fil et bla bla bla ».
Pourquoi je vous raconte tout ça maintenant alors que ces événements se sont déroulés il y a des mois? Simplement parce que je viens de tomber sur le dépliant en question. Il vient de prendre la direction du bac à recyclage.
Quels mauvais vendeux, ils n’ont même pas rappelé afin de faire un suivi!
Tant pis. Je resterai mal engueulé et mal assuré.
«Le journalisme civique vise à fournir aux gens des possibilités d'intervention afin de les amener à agir, et encourager l'interactivité entre les journalistes et les citoyens. Il cherche à créer un dialogue avec les lecteurs, au lieu de se borner à transmettre les informations en sens unique et à inonder le public de données, comme cela se passe si souvent dans le journalisme traditionnel.»
— Jan Schaffer, directeur du Pew Center For Civic Journalism
03 août 2006
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5 commentaires:
Avez vous déjà pensé comment ça pouvait être poche comme job. Moi les vendeurs portes-à-portes ça me rend toute tristounette. :(
Johane Gingras
Est-ce vraiment un job? J'en doute.
AB
On a pas tous des talents, comme le votre pour écrire ou comme ceux de votre copine pour créer. On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a. Faudrait pas être snob, on devrait plutôt plaindre ces malheureux.
Johane
Loin de moi l'idée de dénigrer les vendeurs itinérants ou tout autre type d'emploi. J'ai moi-même exercé une foule de petits boulots, parfois carrément merdiques, pour gagner ma croûte. C'est pour cette raison que je me permets d'avoir un esprit critique sur certaines catégories d'emploi. Souvent, les vendeurs itinérants se font exploiter. D'autres méprisent carrément les «poissons» qui mordent à l'hameçon. Ils organisent même des concours. Alors, je n'éprouve aucune gêne à parodier certains d'entre eux qui agissent comme des pantins et qui croient m'embobiner dans un piège peinturé en rouge avec une flèche qui clignote au-dessus!
Personne ne les oblige à exercer ce métier. De plus, essayez de trouver une personne qui a fait carrière dans ce domaine et vous n'en trouverez aucune. Pourquoi? Simplement parce qu’après un certain temps, ceux qui exercent ce métier s'aperçoivent que ça ne vaut pas le coût et ils passent à autre chose.
Malheureusement, la plupart des gens sous-estiment leur véritable potentiel. « On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a », C'est vrai, mais j'ajouterai ceci : on fait ce qu'on veut quand on sait ce qu'on a. Et souvent, nous possédons beaucoup plus que ce que l'on croit.
Merci pour vos commentaires.
AB
Personnellement j'ai bien rigolé à la lecture de ton billet! Je me suis moi-même vu il y a une vingtaine d'années essayant de vendre des plans financiers... À l'époque, j'étais parvenu à envendre un, en un mois... À mon ex-belle-maman...
Ceci dit, je n'ai aucun scrupule à agir de façon cavalière lorsque j'en ai un qui se présente à la porte. Peut-être est-ce lui rendre service?
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