«Le journalisme civique vise à fournir aux gens des possibilités d'intervention afin de les amener à agir, et encourager l'interactivité entre les journalistes et les citoyens. Il cherche à créer un dialogue avec les lecteurs, au lieu de se borner à transmettre les informations en sens unique et à inonder le public de données, comme cela se passe si souvent dans le journalisme traditionnel.»


— Jan Schaffer, directeur du Pew Center For Civic Journalism

04 juin 2008

Les médias selon Valdombre

Dans la foulée des deux précédents billets traitant du journalisme, je reproduis un extrait des Pamphlets de Valdombre, un texte qui date de 1938. Qui est Valdombre? C’est le pseudonyme de Claude-Henri Grignon, l’auteur d’Un homme et son péché. La culture populaire retient surtout cet ouvrage — du reste très signifiant dans la culture québécoise — de cet Adélois qui fut aussi l’un des plus grands pamphlétaires de la première moitié du 20e siècle. Valdombre, le penseur libre, le lion, celui dont la plume trempée dans le vitriol en a empoisonné plus d’un. Les Pamphlets, rédigés et publiés à Sainte-Adèle, se vendaient 25 sous l’exemplaire. Alors que plusieurs prédisaient une courte vie à ses pamphlets, l’auteur écrivait dans un texte étonnamment actuel intitulé Deux ans ont passé:

«Où donc les Pamphlets puisent-ils leur force? Certainement pas auprès des trusts, des sociétés anonymes et des gouvernements. La plupart des journaux et des revues font le jeu des puissants et se trainent dans la fange. Ils vivent par les annonces et une publicité scandaleuses. Enlevez-leur cette source de revenus et ils ne résisteront pas deux mois parce qu’ils ne possèdent aucun attrait, presque pas d’idées et de prose personnelles. La presse est devenue la chose de tout le monde et de personne. On ne saurait la prendre au sérieux puisqu’elle exploite le mensonge, la nouvelle tapageuse, les instincts les plus bas et les passions populaires. La plupart du temps, on ne signe pas les articles. On n’ose pas prendre ses propres responsabilités et le lecteur reste à la merci des farceurs, de certains forbans qu’il ne serait pas mauvais de fouetter sur la place publique. Aussi, les grosses gazettes n’agissent plus du tout sur les esprits. Elles ne provoquent aucun courant d’opinions et elles galvaudent ce qu’il y a de plus sacré au monde: la vérité. Puis ces journaux servent à envelopper des ressemelages* de chaussures. On ne leur connait pas d’autres utilités. Impossible de parler ici de feuilles infectes qui vivent de jaunisme et qui offrent à leurs millions de clients une pâture ramassée dans les ruisseaux et au fond des lupanars. Quelle horreur!»

— Claude-Henri Grignon, Pamphlets de Valdombre numéro 12, novembre 1938.

Le saviez-vous?
Le mot vitriol est une dénomination de l’acide sulfurique. Il est également constitué des premières lettres d’une formule de base de l’antiquité. V.I.T.R.I.O.L. Visita Interiora Terrae (visite l’intérieur de la terre) Rectificando Occultum Lapidem (et en te rectifiant, tu trouveras la pierre cachée).

Source: Encyclopédie du savoir relatif et absolu de Bernard Werber

*Action de ressemeler, soit garnir de semelles neuves.

4 commentaires:

Zoreilles a dit...

Incroyable! Et il écrivait ça en novembre 1938... Comme quoi, certaines réalités ne changent pas. Sauf peut-être que...

Aujourd'hui, on ne se permettrait pas une phrase telle que « on devrait les fouetter sur la place publique » mais on n'en pense pas moins, des fois!

Tout un pamphlétaire, un éditorialiste d'avant-garde, un visionnaire, ce Valdombre...

André Bérard a dit...

@ Zoreilles

De toute évidence, le «politiquement correct» n'existait pas en 1938. À cette époque, les pamphlétaires se livraient à des joutes enflammées où les mots avaient du tranchant et surtout, livraient un contenu. Une belle époque!

Zoreilles a dit...

Je retrouve un peu de ça chez Richard Desjardins, François Avard, les Loco Locass, Pierre Falardeau et quelques trop rares de nos contemporains...

André Bérard a dit...

Yves Lambert, membre fondateur de la Bottine Souriante, disait lors de son passage à l'émission Tout le monde en parle, qu'il faut réhabiliter le mot «activiste». J'ajoute qu'au Québec, nous sommes parvenus à associer une connotation négative à ce mot, qui devient un synonyme de terroriste et évoque les fauteurs de troubles et les hooligans des manifs qui font la manchette. De l’activisme, c'est pourtant exactement ce que font les Desjardins du Québec. Craindre certains mots, c'est surtout craindre les idées qu'ils véhiculent