«Le journalisme civique vise à fournir aux gens des possibilités d'intervention afin de les amener à agir, et encourager l'interactivité entre les journalistes et les citoyens. Il cherche à créer un dialogue avec les lecteurs, au lieu de se borner à transmettre les informations en sens unique et à inonder le public de données, comme cela se passe si souvent dans le journalisme traditionnel.»


— Jan Schaffer, directeur du Pew Center For Civic Journalism

01 décembre 2006

Poursuite Académie prise 2

Plusieurs visiteurs néophytes m’écrivent pour exprimer la difficulté qu’ils éprouvent à suivre ce qui se passe dans ce blogue. Pour une meilleure compréhension de l’ensemble des billets concernant les mises en demeure, vous devez savoir que les billets sont publiés de façon antéchronologique. Ce qui signifie que le billet que vous lisez en ce moment est le plus récent d’une série. Vous n’avez qu’à faire défiler la page afin de remonter au premier billet traitant de cette affaire, soit celui intitulé Bâillon.

MISE À JOUR

Pour les lecteurs hors région, voici ce que les hebdos locaux ont écrit sur le sujet.

Chronique Altitude du rédacteur en chef du journal Accès Laurentides.

Article de Valérie Schmaltz dans le journal Accès

Article de Éric Nicol du journal La Vallé (l’article n’est pas complet).

Le journal des Pays d'en Haut reste muet cette semaine.


Dans le précédent billet, j’annonçais mon intention de m’accorder un temps de réflexion raisonnable et de consulter des juristes relativement à l’envoi intempestif de mises en demeure de la part du maire de Sainte-Adèle.

Voici ma position.

Tout ce tapage inutile et ce gaspillage de fonds publics auraient pu être évités si le maire et son équipe avaient simplement pris la peine de m’appeler. Comme l’a si judicieusement exprimé M. Martel du Gros BS « on vous a passé sur le corps avec un bulldozer, mais faut pas le prendre mal, on voulait simplement vous klaxonner ». Deux coûteuses mises en demeure pour quelques misérables mots laissés dans les commentaires d’un blogue, relève de l’absurde. Le manque d’élégance dans les méthodes de l’équipe Cardinal dans ce dossier est le seul responsable de l’état actuel des choses.

Dans la dernière livraison du journal Accès, M. Cardinal, affirme que la deuxième mise en demeure n’était qu’une « simple lettre explicative envoyée à André Bérard et non une mise en demeure. » Une « note explicative » qui se termine par « veuillez agir en conséquence » et qui porte le logo des avocats Prévost, Fortin et d’Aoust est bel et bien une mise en demeure.

L’utilisation d’un simple téléphone aurait pesé moins lourd sur les fonds publics, si seulement le maire Cardinal avait eu la bonne idée de l’utiliser. J’ai de la difficulté à saisir toutes les subtilités, les nuances stratégiques se cachant derrière cette (mal)habile manœuvre — et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Le maire affirme qu’il ne s’agit pas d’intimidation ni d’une tentative de bâillonner un média citoyen. En ce qui me concerne, je suis persuadé du contraire. L’indignation que cette affaire soulève dans la blogosphère québécoise et internationale me laisse croire que je ne suis pas le seul à ne pas comprendre.

La deuxième « note explicative » pointe du doigt les commentaires litigieux. Après la publication du document dans ces pages, l’auteur d’un des messages a communiqué avec moi pour m’avouer s’être emporté. Il est navré de toute cette histoire et m’autorise à retirer la partie litigieuse de son commentaire. Ce que j’ai fait avec plaisirs. La suite du commentaire restera cependant intacte, puisqu’elle ne comporte rien de litigieux. Pour les autres commentaires visés par la « note explicative », voici la position de blogue-notes.

Commentaire 1

Une partie de ce commentaire a été supprimé.

J’ai conservé :

« Bandit en cravate. »

Rien de diffamatoire puisque c’est le pseudonyme de l’auteur du commentaire.

« Bravo pour votre chronique payé à même notre argent dans le journal M. le Maire. »

Le maire rédige en effet une chronique dans le journal des Pays d’en Haut. Je serais étonné d’apprendre qu’il assume personnellement les coûts de sa prose dans les pages de ce journal. Je doute également que les éditeurs de l’hebdo lui offrent gratuitement cet espace. Si tel est le cas, qu’on nous le dise simplement.
Si le maire veut se payer une chronique dans un hebdo, grand bien lui en fasse. Si cela déplaît à certains citoyens, ils ont le droit de l’exprimer et de l’écrire gratuitement dans ce carnet.

« Vivement un comité de citoyens ici.»

Pourquoi pas? Est-ce une attaque en règle? Non.

« Cardinal n'est plus crédible et il doit remettre sa démission. »

C’est un point de vue qui en vaut un autre. Déplaisant, mais pas diffamant.

Commentaire 2

Anonyme,

Une partie de ce commentaire a été retiré, puisqu’il écorchait le maire et son administration.

J’ai conservé :

« Les gestionnaires de Montréal CITEC c'est pas gratuit, beaucoup de beaux
dollars adélois en fumée. »


Je serais étonné que la firme Citec gère gratuitement le parc d’affaires. Si ce citoyen considère que ce sont de «beaux dollars adélois » qui partent en fumée, il a le droit de l’exprimer.

« Les dépenses inutiles de la CPAR, comme par exemple:photos aérienne du site, affiche géante des administrateurs, changement de logo de la CPAR,
participation à des tournois de golf, brochure inutilisée, bureau digne du
Taj-Mahal, etc. »


Un citoyen pense que le coût du matériel promotionnel du parc d’affaires ainsi que les activités de promotions sont un gaspillage. Y a-t-il lieu de censurer un tel commentaire? Non. Les anciens bureaux de la Corporation, aujourd'hui occupés par le promoteur Attitude Nord, sont effectivement les plus luxueux du Parc. J’ai moi-même visité tous les locaux et j’en arrive à la même conclusion. Diffamation? Non, simple observation.

Commentaire 3

C’est le commentaire de l’auteur qui a accepté de retirer certaines de ses allégations pas gentilles.

J’ai conservé :
« Les barils ont été laissés à la corporation tout comme le reste pour 1 $
cependant, les frères Lemaire (proprio de cascades, chic type en passant) ont
laissé aussi un montant de 100 000$ pour la décontamination du site ».


Aucune trace de diffamation, de propos tendancieux ou d’attaque en règle. Désolé.

Voilà, c’est tout. Avouez que la chose ne valait pas tous les moyens légaux qui ont été investis dans cette croisade tragicomique lancée contre un carnet.

Résumé de l’histoire :

Samedi dernier, je reçois une première mise en demeure m’ordonnant de retirer tout propos litigieux, diffamatoire, « libelleux », etc., sans toutefois préciser lesquels. Le dernier paragraphe laisse planer des menaces de poursuites. Soulignons qu’avant la réception du brouillon, j’ignorais tout des malaises de l’équipe Cardinal provoqués par certains commentaires.

Deuxième mise en demeure, baptisée « note explicative » par le maire Cardinal. La missive emprunte un ton plus doux et précise (enfin) quels sont les fameux commentaires litigieux.

Je publie les documents dans mon carnet et l’affaire se répand comme une traînée de poudre dans la blogosphère québécoise et chez nos amis français, soulevant l’indignation des blogueurs libres et de leurs lecteurs. Un mouvement de solidarité s’organise. Mouvement duquel le carnet de Sainte-Adèle se dissocie, qualifiant l’événement de simple chicane. Chicane qui a cependant infligé de sérieux dégâts à son carnet, puisqu’il en a retiré tous les billets, les commentaires et les archives et qu’il n’autorise plus l’ajout de nouveaux commentaires. M. Millette est, à ma connaissance, le seul carnetier qui défend cette position. Je la respecte en tout point même si je suis en total désaccord avec son analyse des événements.

Une lettre d’appui électronique est mise en ligne par l’auteur du carnet le Gros BS. Le Devoir, La Presse, les hebdos locaux parlent de l’affaire. Je reçois de toute part des lettres d’appui, des conseils de juristes. La photo du maire Cardinal circule sur une quantité phénoménale de blogues.

Le Maire, qui jusque-là semblait sous-estimer l’importance de ce nouveau média citoyen, prend soudainement conscience de l’épidémie de solidarité que ces « notes explicatives » ont déclenchée. Il mandate alors un membre de son équipe qui, par courriel, fait parvenir une lettre aux carnetiers qui ont traité de l'affaire. Lettre que la majorité d'entre eux reçoivent froidement en la qualifiant d’excuse malhabile et d’explication tardive. Au moment où j’écris ces lignes, la blogosphère bourdonne de commentaires peu élogieux à l'endroit de M. Cardinal. Il est le seul artisan de son malheur. Désolé pour lui. Sincèrement. Son refus d’accepter la présence et le rôle important que jouent les nouveaux médias citoyens dans les communautés aura fait déferler sur la mairie de Sainte-Adèle la colère des blogueurs libres.

Un simple coup de fil du maire ou d’un de ses représentants aurait permis de régler l’affaire. En tant qu’auteur d’un carnet, je n’ai pas à téléphoner au maire chaque semaine, afin de m’assurer qu’aucun des commentaires laissés par un de ses concitoyens ne l’a écorché. J’ai régulièrement invité M. Cardinal à manifester sa présence dans les deux seuls blogues de sa ville, sans succès.

Nous en sommes là. Qu’arrivera-t-il maintenant? Une autre mise en demeure? Combien d’argent des fonds publics investira-t-il dans son entêtement à ne pas régler à l’amiable un problème qu’il a lui-même créé?

Je laisse aux Adélois le soin de juger de la pertinence de la démarche du maire et de son équipe.

Pour ma part, je vais reprendre mes activités normales de carnetiers. L’invitation à M. Cardinal tient toujours. S’il veut publier un communiqué dans mon carnet, je le ferais avec le plus grand des plaisirs. Je n’ai pas l’intention d’aller m’expliquer avec lui. Je crois sincèrement que c’est lui qui doit des explications à ses concitoyens.

André Bérard

6 commentaires:

Anonyme a dit...

POurquoi faire simple quand on peu faire compliqué, n'est ce pas monsieur le Maire.
Bravo M. Bérard, vous avez bien mené votre barque.Je vous félicite.
J'espere que Luc va revenir sur sa position et que l'on pourra continuer a dialoguer sur nos belles Laurentides.
Je vous salut

Alain

Anonyme a dit...

On voit facilement qui a le plus de bon sens dans cette histoire.

Effectivement, un coup de téléphone ou encore plus simple, un courriel aurait facilement réglé cette affaire (ils savent comment en envoyer à l'hôtel de ville, j'en ai reçu un!).

Je continu d'y voir de l'intimidation visant à faire taire des critiques. Une job de bras d'un maire qui n'avait pas encore réalisé que le monde entier était tout juste à la porte de sa ville.

Bravo pour être resté debout!

Anonyme a dit...

Il est dit que le bon Droit triomphera. Bien. Même à Ste-Adèle ?

Le maire de cette municipalité et son équipe est allé beaucoup trop loin avec cette histoire qui a pris une tournure démesurée. En expédiant des courriels aux carnetiers ayant pris position sur cette affaire, la Ville ne semble pas réaliser le tort qu'elle se fait. En fait, elle vient de se tirer une balle dans le pied.

Par cette maladresse, les citoyens devront payer pour des dépenses en frais juridiques tout à fait inutiles et inaproprié dans les circonstances.

Cette ville reçoit plusieurs touristes à chaque année. Je suis chauffeur de taxi et ancien chauffeur d'autocar, et qui a gardé de bons contacts dans ce domaine, comme les guides accompagnateurs, que j'ai côtoyé et avec qui j'ai travaillé pendant de nombreuses années. Que diraient les touristes s'ils apprennaient l'affaire du «bâillon» ?

Je m'en voudrais de vouloir faire du tort à une ville qui mérite mieux que l'arrogance d'un maire qui semble avoir perdu toute forme de respect parmi la population virtuelle pour une bourde qui n'en valait pas la chandelle...

Décidément, la cote d'amour de ses concitoyens risque de baisser aux prochaines élections...

Anonyme a dit...

La maladresse du maire et l'incompétence des avocats sont maintenat reconnues.

Voila qui est bien! Et je ne crois pas que la réputation de la ville soit touchée.

Au contraire, une ville étant formée de ces citoyens, elle vient de prouver, par ceux-ci, sa capacité de réagir et son dynamisme.

En soi, c'est très bon.

D'autre part les journeaus locaux ont finalement réagis.

Peut-être cesseront-ils cette apparente impunité vis-à-vis les affaires municipales de la région!

Ça aussi c'est excellent.

L'implication citoyenne n'est pas une affaire de tourisme que je sache!

Après tout, un parc d'affaires qui fonctionne, et dont on est fier, est certainement plus vendeur qu'un hôtel du Chanteclerc qui ferme ses portes pendant 3 mois pour foutre un syndicat à la porte!

C'est d'ailleurs un autre dossier sur lequel on n'a jamais eu de suite.

Anonyme a dit...

Je serais curieux d'avoir l'avis de juristes québécois sur la question.

J'avais suivi l'affaire de Monputeaux.com, et en France, la situation était assez intéressante:
le propriétaire du blog est le responsable du contenu total du blogue, incluant les commentaires.
L'auteur du blogue étant l'auteur du crime, et le commentateur litigieux, son complice.

Que se passe-t-il une fois que le commentaire litigieux est enlevé? Combien de temps est considéré raisonable pour le faire?

L'affaire de Puteaux était encore plus ridicule puisqu'un commentateur avait simplement pris le nom de la mairesse comme pseudo pour faire un commentaire (au pire, de mauvais gout).

Est-ce qu'on se va vers une jurisprudence a la cause californienne?

Anonyme a dit...

Bon, dans chaque ville un maire mégalomaniaque , déconnecté e ses citoyens et imbu du développement sauvage...On connaît ça ici à Trois-Rivières, on est gâté de manoeuvres opaques et de "moves" douteux de la part de notre conseil de ville..ici les promoteurs de l'extérieurs ont des privilèges que les "petites gens " n'ont pas..et la paranoïa de notre maire suprême s'est même permis de lâcher ses policiens prendre le numéro de plaques de la centaines de résidents réunis pour contesté l'implantation d'un aréna dans un quartier domiciliaire en rasant un boisé patrimoniale. Bref, si les régions pouvaient s'exprimer plus, et avoir un écoute dite "démocratique", on pourrait utiliser le terme "liberté d'expression". Les élus ne représente maintenant que peu de gens, dépendant de leurs intérêts.