Lors de la dernière tempête de neige, je suis sorti avec ma pelle, l’air maussade et résigné à déblayer cette dernière bordée printanière. Mon voisin s’affairait déjà à la tache. Je m’approche pour lui demander des nouvelles de sa femme qui est malade.
Et puis, comment va ta femme? «Mal», me répond-il. «Elle a un cancer de l’estomac avec métastases. C’est inopérable.» Après un moment de silence, il ajoute «je l’aime ma femme et je ne ne veux pas la perdre». Les flocons qui tombaient se sont soudainement transformés en clous. Nous nous sommes regardés, en silence, pendant une longue minute. Pas de malaise dans ce silence. Juste un être qui dit à un autre «je souffre. Atrocement. Et je n’ai pas de mots pour le dire.» Juste un deuxième être qui tente de répondre: «je comprends.»
Ce silence d’à peine une minute, j’y pense encore. Même après plusieurs semaines.
Sans les mots pour l’encombrer, il a libéré la voie. Il a balayé les obstacles pour laisser passer une émotion brute, de celles qui vous taraudent, de celles qui laissent des traces.
L’autre jour, par ma fenêtre, j’ai vu mon voisin aider sa compagne de vie amaigrie, vacillante et affaiblie à descendre de voiture alors que le vent semblait vouloir tenter sa chance et l’emporter avant la maladie.
De ma fenêtre, je vois celle de sa chambre. À l’extérieur, la vie s’anime et reprends son emprise sur l’hiver. À quelques centimètres, derrière la toile tirée, les saisons sont inversées.
J’y pense. Souvent.
Désolé pour ce texte, mais je devais l’écrire.
Merci de l’avoir lu.
«Le journalisme civique vise à fournir aux gens des possibilités d'intervention afin de les amener à agir, et encourager l'interactivité entre les journalistes et les citoyens. Il cherche à créer un dialogue avec les lecteurs, au lieu de se borner à transmettre les informations en sens unique et à inonder le public de données, comme cela se passe si souvent dans le journalisme traditionnel.»
— Jan Schaffer, directeur du Pew Center For Civic Journalism
29 avril 2007
S'abonner à :
Publier des commentaires (Atom)
12 commentaires:
Quand je pense que l'on se plaint de nos petits bobos et que l'on s'énerve pour des niaiseries, ce texte nous ramène à la dure réalité de la vie.
Merci André.
Jean-Pierre St-Germain
André: merci de l'avoir écrit
Ne soyez surtout pas désolé pour ce texte, et cette histoire très touchante et humaine. Moi, c'est au contact de la mort que j'apprécie davantage la vie.
Votre texte est empreint de respect, de vérité, de compréhension, de douceur et de sensibilité. On se sent tous si impuissants devant cette maladie qu'est le cancer...
Merci à vous, sincèrement...
Merci André.
A.
Merci André d'avoir partagé ce moment avec nous.
C'est vrai que dans certaines circonstances il n'y a pas de mots, il faut juste écouter et regarder l'émotion fait le reste... Tu l'as très bien décris, les mots sont justes et touchants. Merci.
Après quelques deux semaines d'absence, je vous retrouve, mon cher André, plus touchant que jamais.
Bravo pour votre propos tout de nuances et de retenue.
Tout comme vous, je suis surpris par la connexité de nos propos cette semaine. Les mauvaises langues diront que nous sommes consulté.
Ah! les mauvaises langues...
Parfois le silence veut dire plus que les mots. Une simple présence, sentir que l'on n'est pas seul peut nous réconforter. Même si c'est archi cliché, seul le temps panse les plaies.
Merci à vous tous!
André
Merci pour ce touchant moment de vérité !
Moment de vie triste et touchant qui nous ramène à l'essentiel...pauvres mortels que nous sommes tous...
Voilà pourquoi, quand la vie nous amène des coups de soleil, prenons-les sans réchigner et avec bonheur.. Qui sait de quoi sera fait demain...
Merci d'avoir écrit ce texte André, je suis sensible à ta sensibilité, à ta présence d'esprit et ta clairvoyance. Je lui parle de temps en temps aussi à cette dame, elle a quand même un bon moral et beaucoup de courage malgré tout ce qu'elle endure et si elle continue elle va s'en sortir!
Publier un commentaire