
Épicerie Métro, Sainte-Adèle.
C’est le week-end. Les files d’attente s’étirent aux caisses du Métro Chevrefils. Emballeurs et caissières s’activent afin de répondre au flux des clients habituels et des
weekenders. Puisque je dois attendre, j’en profite pour observer la faune humaine. Devant moi, un spécimen de
weekenders impatient qui brasse de grosses affaires au téléphone cellulaire. Comment j’arrive à savoir que c’est un
weekenders? Facile, ses fringues et son panier d’épicerie le trahissent : North Face et pattes de crabe. Devant lui, une p’tite madame du coin qui visiblement en arrache. Comment j’arrive à savoir qu’elle en arrache? Facile, son manteau démodé et les boîtes de Kraft Dinner la trahissent. Son tour arrive. La caissière passe les articles sur le lecteur. Bip… 1,95 $. Bip… 2,99 $. Bip… 4,69 $. Chaque bip arrache une grimace à la p’tite madame qui fixe anxieusement l’écran où s’affiche le sous-total de ses achats. Le tapis roulant avance à petit coup faisant chaque fois vaciller les trois boîtes de Kraft Dinner. Le
weekender, toujours accroché à son téléphone, place un petit bâton séparateur entre les boîtes de macaroni orange et les pattes de crabe, histoire de bien marquer la frontière entre richesse et pauvreté. Les emplettes de la p’tite madame remplissent au moins quatre sacs. L’emballeur lui demande « vous avez besoin d’aide jusqu’à la voiture? » Pas nécessaire, elle est à pied.
Le
weekender finit de vider son panier et le laisse là, devant moi. Je dois le pousser moi-même pour déposer mes trois petits articles sur le tapis. Cet homme est au-dessus de tout. Il ne salue personne, ne dispense aucun sourire et parle trop fort dans son téléphone. C’est un conquérant qui doit s’acquitter d’une basse tache : passer à l’épicerie. «Vous avez besoin d’aide jusqu’à la voiture? » Évidemment!
Je paye mes trois articles et sors du Métro. Plus loin, je vois la p’tite madame qui péniblement grimpe la pente de la rue chargée de ses quatre sacs. Près de ma voiture, le 4x4 BMW du
weekender quitte sa place de stationnement et roule en direction de la p’tite madame. Elle fait des signes aux voitures. Elle a besoin d’aide, ses sacs sont trop lourds. La BMW arrive à sa hauteur et fait un grand crochet pour éviter cette chose qui prend trop de place avec ses sacs.
Minable! Je vais l’aider moi cette femme. Je la regarde une dernière fois avant de monter dans ma voiture. J’aperçois un véhicule qui stoppe et son conducteur qui lui offre son aide.
Ça m’a remis de bonnes humeurs.
Sainte-Adèle est une ville de contraste où se côtoient les riches et les pauvres. Surtout les week-ends. Il m’arrive fréquemment de stopper ma voiture et de faire monter des p’tites madames surchargées de paquets. Il m’arrive même d’aller les déposer devant leur porte, ce qui me coûte environ 45 cents d’essence de plus pour ma course, mais qui fait 100 % de différence pour la personne. C’est un petit rien qui me rend plus utile.
Il n’y a pas de morale à cette histoire. J’aime les pattes de crabe et à l’occasion le kraft Dinner. ;-)